Lu # 4 : Nous autres d'Eugène Zamiatine (1920)

En quête d'une dystopie, j'ai découvert ce roman d'anticipation de Eugène Zamiatine. Comme tout le monde, j'ai lu et/ou j'ai entendu parler de : Le meilleure des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de Georges Orwell, ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury pour en citer quelques uns.(Ils font partis de mes projets de lectures à venir).

Donc durant mes recherches, j'ai appris que Eugène Zamiatine était le précurseur du mouvement dystopie ce qui a permis de voir arriver dans nos bibliothèques les romans que je vous ai cité ci-dessus.


" … On nous attacha sur des tables pour nous faire subir la Grande Opération. Le lendemain, je me rendis chez le Bienfaiteur et lui racontai tout ce que je savais sur les ennemis du bonheur. Je ne comprends pas pourquoi cela m’avait paru si difficile auparavant. Ce ne peut être qu’à cause de ma maladie, à cause de mon âme. "

Ainsi parle D-503, un homme des siècles futurs. Il vit dans une société qui impose fermement l’Harmonie sous la direction du Guide. Or D-503 qui participe activement à l’expansion de cette organisation à l’échelle interplanétaire en arrive à l’autocritique, à la dénonciation, au rééquilibrage psychique. 

C’est en 1920 que le Soviétique Eugène Zamiatine a conçu cette politique-fiction. Il y aborde, pour la première fois, les mécanismes de l’Utopie au niveau existentiel. Jusque-là, tous les organisateurs de sociétés futures, sous la bannière de Platon et de saint Thomas More, se contentaient d’une description monomaniaque de leurs structures. Zamiatine introduit l’homme vivant dans ces souricières. La porte poussée, Aldous Huxley et George Orwell vont s’engouffrer dans le corridor. 

Quel extraordinaire prophète que ce Zamiatine, écrivain, mathématicien et ingénieur. Il y a soixante ans, la dissidence n’était pas encore une maladie mentale traitée à l’halopéridol. Le règne du père génial de tous les peuples, Staline, et de ses épigones n’avaient pas commencé. Et les pieux des camps de rééducation n’étaient pas encore systématiquement plantés. Pourtant, le ver était dans le fruit, et même à cette époque pas encore totalement occultée, l’ouvrage ne fut pas publié.
L’oracle Zamiatine scrutant les brumes de l’Histoire de demain pousse un hurlement solitaire. Lui-même, en nos temps de surdité, condamné au silence et à l’exil, étouffé par l’angoisse, mourra à Paris, en 1937, à l’âge de 53 ans. 

" Tous les matins, avec une exactitude de machines, à la même heure et à la même minute, nous, des millions, nous nous levons comme un seul numéro. À la même heure à la même minute, nous, des millions à la fois, nous commençons notre travail et le finissons avec le même ensemble. Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuiller à la bouche à la seconde fixée par les Tables; tous, au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l’auditorium, à la salle des exercices de Taylor, nous nous abandonnons au sommeil..."

Voilà à quoi ressemble le monde après la guerre de 200 ans. Un monde entouré d'un Mur Vert, où la vie est organisée de manière logique et sous un point vu mathématique ne laissant aucune place à l'imprévu. Le réveil, le travail, le repos, les loisirs et même la sexualité est contrôlé par une Table des heures. Un monde où la vie privée n'existe plus sauf pour les heures sexuelles.
Ce monde est régit par le Bienfaiteur et contrôlé par Les Gardiens. Les habitants n'ont plus de nom mais un numéro afin de bannir toute individualité au sein de l'Etat Unique. Mais un jour, un numéro va sortir du lot...
Nous autres est le journal de D-503 qui au fur à mesure se découvre par le biais de I-330.On apprend ses envies, ses peurs, ses doutes...
 
Quand on connait le contexte dans lequel a été rédigé ce livre, on comprend que Zamiatine a voulu à sa manière décrire la dérive d'un état totalitaire qui veut imposer sa vision de la vie. Malheureusement, bien qu'écrit en 1920, son livre semble être toujours autant d'actualité.

Parfois, il est difficile de suivre l'auteur. J'ai du souvent relire le même passage. Mais l'écriture est toute en finesse et pleine de nuance. J'ai adoré sa prose. Divisé en chapitre, la lecture est facile et permet de se poser afin d'assimiler les informations. 

« Délivrer l’humanité ! c’est extraordinaire à quel point les instincts criminels sont vivaces chez l’homme. Je le dis sciemment : criminels. La liberté et le crime sont aussi intimement liés que, si vous voulez, le mouvement d’un avion et sa vitesse. Si la vitesse est nulle, il reste immobile, et si la liberté de l’homme est nulle, il ne commet pas de crime. C’est clair. Le seul moyen de délivrer l’homme du crime, c’est le délivrer de la liberté… »

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